2015
"La clarté, c'est une juste répartition d'ombre et de lumière"
Le temps est suspendu. Le souffle du vent compose avec le son cristallin des carillons précurseur du tintement des cloches et gong donnant à l'atmosphère une teinte particulièrement envoûtante. Ce jour-là à Luang Prabang, quand l'aube dessine encore les premiers contours d'un ciel rougeoyant, les portes du temple s'ouvrent et laissent apparaître un à un, les bonzes crânes rasés, tout d'orange vêtus. Sous leur tunique, se dessine un sac en bandoulière et le bol destiné à recevoir l'aumône des habitants du village. En s'alignant dans le plus grand silence, ils avancent pieds nus dans un rituel qui n'a rien d'un acte de soumission ou de dévotion.
Les moines du Laos dans un humble dépouillement vouent leur vie à l'entraide, l'éducation, l'accompagnement, la spiritualité pour apporter aux hommes la sérénité. Ce jour-là, dans une aube à peine naissante, je fus fascinée par cette tradition bienveillante où tout un chacun offre aux moines quelques grains de riz. Nulle opulence ou condescendance dans ce geste du quotidien qui donne tout son sens à la nécessité de vivre ensemble. Les moines bouddhistes du Laos sont éduqués pour se dévouer entièrement aux autres dans une vie d'ascète propice à la méditation, source de toute réflexion menant à la joie et à la paix. Une évidence m'est alors apparu. La gratitude, serait-elle non pas liée aux grandes choses que nous accomplissons, mais seulement à celles que nous n'accomplissons pas ?
La vie, se résumerait-elle à vivre l'instant présent dans son plus grand dénuement pour en apprécier l'entièreté et la beauté ? Perdus dans notre course folle vers la réussite, quelle qu'elle soit, nous vivons dès notre plus jeune âge les affres de la défaite comme un échec cuisant. Nous devons alors rebondir, traverser les chemins les plus chaotiques pour espérer attraper au cours du voyage, l'ascenseur social qui nous mènera vers la lumière. Cette notion purement occidentale vient d'exploser de toute sa splendeur dans la pénombre d'un temple de Luang Prabang. "La clarté, c'est juste une répartition d'ombre et de lumière" selon Goethe.
Au Laos, la lumière éclaire nos parts d'ombre. La bonté de l'âme s'acquiert au ras du sol, dans la plus grande humilité et nous permet de grandir, éclairés par la connaissance de soi, des autres et la volonté de ne pas nuire en s'exposant mais de parfaire dans la discrétion et la sobriété.
Ces images sont le reflet d'une vie où l'on s'attache à rompre le pacte de la surenchère qui nous mène aux plus grandes turpitudes de ce monde. Soyons humbles face à nous-mêmes et gardons bien en tête que pour passer de l'ombre à la lumière, il faudra en passer par le cœur.
Bouddhisme et traditions au Laos